À l’heure de l’entreprise numérique, la logique qui voulait que l’aîné transmette ses connaissances et son savoir-faire au nouveau collaborateur (contrat de génération) tend à s’inverser. Si votre entreprise est dans une démarche de transformation digitale, vous avez sûrement senti la nécessité de réconcilier les Y et les X. Et pour cela, le reverse mentoring est votre meilleur atout.
Vous avez dit reverse mentoring ?
Apparu pour la première fois dans les années 90 chez son CEO, Jack Welch, a popularisé le concept de reverse mentoring, ou tutorat inversé. En effet, le digital remet ces pratiques en question. Toute entreprise possède aujourd’hui une stratégie digitale claire et des ressources internes allouées. Mais l’écart de maturité digitale entre les générations reste important. L’appréhension des usages, du fonctionnement des outils digitaux et des opportunités business reste difficile pour les cadres dirigeants qui ne s’y retrouvent pas avec les formations classiques au digital, beaucoup trop théoriques et par conséquent, pas assez pratiques.
Partant de ce constat, le reverse mentoring prend tout son sens. Vous l’aurez compris, le tutorat inversé c’est la formation des cadres dirigeants, managers et seniors par les digital natives de la génération Y et Z aux outils et usages du numérique. Cela va de la gestion de sa e-réputaion et personal branding aux réseaux sociaux et plateformes collaboratives en passant par l’optimisation des usages liés aux smartphones et tablettes.
Changer d’état d’esprit et renforcer l’esprit collaboratif
Le principal frein à l’adoption de ce concept reste la peur des exécutants d’une transformation managériale trop profonde de l’entreprise qui constituerait un risque trop élevé.
Historiquement, la culture managériale des entreprises françaises est fondée sur des principes de hiérarchie pyramidale, d’organisation rationalisée qui se développe sur des marchés stables. Une culture basée sur le long terme donc. Or, aujourd’hui, est-il encore nécessaire de rappeler la rapidité avec laquelle les choses bougent ? Les entreprises doivent donc également adopter des visions plus court-termistes avec des équipes agiles et flexibles, capables de réagir très vite à des changements de situation brusques comme l’arrivée sur le marché d’une innovation de rupture qui change la donne.
En France, 40% des managers considèrent le reverse mentoring comme un risque et non une opportunité ! A titre de comparaison, seulement 10% des managers allemands et américains sont de cet avis. Il s’agit donc de s’attaquer aux verrous psychologiques qui s’opposent au changement et paralysent l’innovation.
Rapprocher les générations
Les entreprises se retrouvent également face au défi du management de la génération Y et Z et intergénérationnel. Le type de management que l’on connaissait jusqu’alors se doit d’évoluer et de respecter de nouveaux principes essentiels à l’intégration des digital natives dans l’entreprise : donner du sens, de l’autonomie, des responsabilités et établir une relation de confiance et non d’autorité.
Ce processus de tutorat inversé semble donc parfaitement adapté à ces nouveaux enjeux puisqu’il contribue à créer du lien et un esprit d’équipe intergénérationnel au sein de l’entreprise.
Une relation gagnant/gagnant puisque les jeunes collaborateurs enseignent la culture numérique à la génération en place et augmentent leur visibilité auprès de leurs managers. Les cadres dirigeants, eux, se mettent au goût du jour de manière pratique et transmettent leur expérience ainsi que leur connaissance du métier et de l’entreprise.
In fine, c’est donc un bénéfice certain pour l’entreprise qui souhaite (doit) se moderniser puisque l’ensemble des collaborateurs se retrouvent au même niveau de connaissance du numérique, de l’entreprise et du marché dans sa globalité. C’est donc un véritable collectif qui est désormais capable de prendre des décisions éclairées et pertinentes, et de mener des projets adaptés à l’entreprise et son contexte.
Mettre en place une démarche de reverse mentoring en 4 étapes
1) Impliquez vos fonctions RH
Commencez par impliquer les fonctions RH de votre entreprise. Leur rôle va être crucial puisqu’il s’agit, dans un premier temps, de repérer et sélectionner vos premiers mentors qui présenteront une forte appétence pour le numérique et, surtout, de bonnes aptitudes pédagogiques.
L’une des meilleures pratiques est la création de binômes. Les mentorés n’ont pas tous les mêmes attentes et besoins en terme d’apprentissage du numérique, d’où la nécessité d’un accompagnement personnalisée. Les ressources humaines sont donc au premier rang pour assurer la bonne constitution des binômes.
2) Donnez de la légitimité au projet
Le projet de reverse mentoring doit être porté par le top management de l’entreprise afin d’appuyer sa légitimité, et des outils de support doivent être mis en place : guide pédagogique, glossaire, fiches pratiques, COOC (Corporate Open Online Course), SPOC (Small Private Online Course), etc.
3) Privilégiez des formats de rencontre courts
Concernant la fréquence, il est préférable de privilégier des séances d’une à deux heures toutes les deux à trois semaines, sur une période de plus ou moins 6 mois. Cela pour des raisons évidentes d’emploi du temps des cadres et de concentration. Entre deux séances, le mentoré bénéficie de la documentation établie au préalable afin de se perfectionner ou de préparer les prochaines séances.
4) Testez auprès d’un échantillon de collaborateurs
Ne commencez pas par globaliser la démarche à toute l’entreprise. Sélectionnez un échantillon pilote de collaborateurs qui sauront vous donner des feedbacks constructifs dans le but d’améliorer le programme. Le principe du Test & Learn.
Proposez également différentes thématiques d’apprentissage afin de laisser le choix aux binômes en fonction de leurs besoins et favorisez les rencontres dans un lieu tiers, en dehors de votre environnement de travail habituel.
Une fois votre pilote effectué, élargissez la démarche de reverse mentoring à l’ensemble de votre organisation.
Ces entreprises ont adopté le reverse mentoring – pourquoi pas vous ?
Parmi les entreprises pionnières dans l’implémentation du concept, on retrouve le mastodonte de l’agroalimentaire, Danone, mais également Orange, Accenture, IBM ou encore AXA. Ce dernier vient tout juste de lancer un programme visant à former plus de 1 500 collaborateurs à travers le monde.
Karima Silvent, DRH chez Axa, témoigne de l’utilisation du reverse mentoring :
“La transformation digitale c’est avant tout un changement d’état d’esprit. Ce n’est pas parce que vous possédez un iPhone ou une tablette que vous savez en tirer le meilleur parti, utiliser les réseaux sociaux ou les différentes applications.”
Elle insiste également sur le fait que la démarche rapproche les générations : “Chez Axa, […] 3 ou 4 générations de salariés travaillent ensemble. Notre objectif est donc d’éliminer les cloisonnements, de faire tomber les barrières”
Il ne faut pas oublier que le reverse mentoring n’est pas un processus ponctuel puisque de nouveaux outils et de nouvelles pratiques liés au numérique apparaissent tous les jours.
Il s’agit donc d’un véritable plan de formation sur le long terme à mettre en place.
Introduire cette notion d’open management dans votre culture managériale, c’est booster votre marque employeur. Cela permet également de fidéliser vos collaborateurs et d’éviter leur désengagement. Il ne tient donc qu’à vous d’exploiter le reverse mentoring comme véritable levier de dynamisation managériale.