Jean-Baptiste Bouché, l’auteur de cet article, est le vétéran le plus “capé” de la communauté Agorize. Il a participé à 21 challenges d’open innovation en deux ans, arrivant sur le podium 11 fois, dont 5 premières places. En septembre 2016, il a lancé sa startup de tourisme collaboratif, Welcom’ To Paris.
Les partenariats entre des entreprises (de l’ETI au grand groupe) et des startups sont de plus en plus courants et courus. On le voit tous les jours sur LinkedIn et dans les médias spécialisés. Ces partenariats prennent plusieurs formes : investissement, incubation, contrats.
L’objectif ? Pour l’entreprise, c’est une façon d’accélérer son innovation, sa “transformation digitale”, et d’être à la pointe. Pour la startup, c’est une manière d’avoir accès à plus de ressources, de chiffre d’affaires, et d’intégrer une structure solide.
J’ai moi-même fondé une startup à la fin de l’été 2016, et dès le début, nous étions en quelque sorte “liés” à des entreprises. En effet, notre concept a gagné un hackathon européen organisé par Agorize, et a été sponsorisé par de nombreuses entreprises, dont certaines étaient digitales.
La question d’éventuels partenariats s’est donc posée très tôt pour nous, malgré la spécificité de notre domaine (la tourisme collaboratif). C’est donc mon témoignage que je vous propose.
Startup / grandes entreprises : des combats totalement différents
Les grands groupes et les startups sont diamétralement opposés.
C’est pourquoi, toute startup devrait s’efforcer d’exister par elle-même avant de chercher des partenariats. Mais revenons à la base : qu’est-ce qu’une entreprise ? Qu’est-ce qu’une startup ?
Prenons la première définition que l’on trouve sur Google : “une entreprise est une unité économique, juridiquement autonome, organisée pour produire des biens ou des services pour un marché.”
Pour la startup : “une startup est une organisation en forte croissance à la recherche de son business model.”
Les différences se trouvent toutes dans ces définitions : une entreprise a un business model, un marché identifié, elle est organisée (et potentiellement, a une croissance lente). Elle est pérenne.
Une startup, c’est une étincelle : tant qu’elle n’a pas trouvé son matériau inflammable (le marché) et son mode de consumation (business model), elle est condamnée.
Mais arrêtons-nous sur trois différences fondamentales : les risques, le momentum, le marché.
1) Redouter ou embrasser le risque
Une entreprise identifie et gère ses risques de A à Z. C’est une condition sine qua non de sa solidité.
Pour une startup ? Voici ce qu’en dit Eric Ries, auteur du best-seller The Lean Startup : une startup c’est « une institution humaine conçue pour créer un nouveau produit ou service dans des conditions d’incertitude extrême. »
Une startup est faite pour vivre dans le risque. Risque avec la loi, risque avec ses clients, avec sa qualité, avec sa trésorerie… En plus d’être bien trop nombreux pour être gérés, les risques maintiennent la pression sur les équipes pour conserver le momentum.
2) Deux momentum opposés
Quid du momentum ? Pour rappel, on utilise (et c’est un léger abus de langage) ce terme pour parler de l’évolution des cours sur une période donnée. C’est un indicateur utilisé dans l’analyse technique. En gros, il s’agit de la rapidité de l’évolution d’un sujet. Et l’on constate que les momentums d’une startup et d’une entreprise sont diamétralement opposés.
L’entreprise évolue peu (corollaire de sa solidité nécessaire), alors qu’une startup peut littéralement faire un virage à 180° en quelques jours/semaines (cela s’appelle un pivot). Difficile, quand on vit dans deux espace-temps différents, de marcher main dans la main.
3) Marché établi ou marché en création
Startups, grandes entreprises, on ne chasse pas la même chose. Du coup, on a peu en commun. Mais il ne faut pas caricaturer. Si l’on me passe la métaphore, les startups sont, en termes de marché, à un stade civilisationnel moins avancé que les entreprises.
Qu’est-ce qui marque le passage de la Préhistoire à l’Histoire ? L’apparition de l’agriculture (et donc, de l’élevage) dans le Croissant Fertile (actuels Iraq / Syrie). L’entreprise, avec son marché identifié, délimité, où les consommateurs se “reproduisent”, est dans une situation d’élevage. On va élever mieux ou plus vite que son concurrent, mais concrètement, l’espèce est connue et maîtrisée.
Une startup, au contraire, évolue encore dans les territoires sauvages de la Préhistoire et chasse, soit une espèce jamais domestiquée, soit une espèce nouvelle. En cas de succès, c’est le jackpot ; sinon, on finit dans l’estomac d’une bête qu’on a sous-estimée, ou on se retrouve perdu, isolé quelque part.
Et tout est différent lorsqu’on a des vies aussi différentes. Mais ne soyons pas sectaires : il reste toujours possible qu’un éleveur s’accorde avec un chasseur. Les moyens de l’un servant la quête de l’autre.
Il ne faut jamais dire jamais
Un partenariat startup-grand groupe, c’est avant tout une question de compréhension mutuelle. En effet, avant de concerner deux entités juridiques, cela va concerner des personnes, de l’entreprise et de la startup. Et, comme tout problème où le relationnel occupe une place importante, si on le confie aux bonnes personnes, tout est possible. Nous avons tous travaillé dans des entreprises “classiques”, et nous savons d’expérience que parmi elles se trouvent des collaborateurs qui auraient largement leur place en startup, et à l’inverse, tous les startupers ne sont pas allergiques à la hiérarchie. Car nous, les startups, nous avons aussi des intérêts évidents à collaborer avec une grande entreprise.
[clickToTweet tweet= »Capital, insight, clients : ce qu’attendent les #startups d’un partenariat avec un grand groupe via @agorize » quote= »Capital, insight, clients : ce qu’attendent les startups d’un partenariat avec un grand groupe »]
Des moyens à profusion
Locaux, parc informatique, café à volonté… Autant de choses évidentes lorsqu’on travaille dans une entreprise, et qui viennent parfois à manquer quand on est une startup. Evidemment, ceci est une pirouette pour parler d’un besoin bien plus crucial pour les startups : le capital. C’est l’une des préoccupations majeures des startups : avoir suffisamment de capital pour tenir jusqu’à la rentabilité.
Or, ce n’est pas ce qui fait défaut aux grandes entreprises. Et celles qui savent faire les bons investissements, notamment dans les startups, sont celles qui tirent leur épingle du jeu, en matière d’innovation et de croissance à moyen et long terme. L’apport de moyens, dont financiers, sont donc des axes forts de collaboration entre une startup et une grande entreprise.
Des données stratégiques
Toute entreprise dispose d’un service stratégie interne, marketing, ou l’équivalent. Si les startups se basent généralement sur l’intuition (couvertes par des slides objectives), une vision d’entreprise, plus large, plus complète, et plus ancienne du marché ou de l’industrie est une plus-value non négligeable. D’autant plus lorsqu’on s’attaque à une industrie ancienne ou à un marché en partie verrouillé car historique.
C’est le deuxième axe fort de collaboration : le partage de données sur un marché ou sur des segments de marché bien spécifiques.
Une base client
C’est notre première préoccupation en tant que startupers : trouver, apprendre à connaître et à fidéliser des clients. Les premiers se gagnent un par un : il faut les rencontrer et les interviewer pour améliorer son produit sans cesse.
Une entreprise a au contraire une base clients / prospects bien plus large, plus documentée, plus profonde (historique). Sans évoquer les données et résultats précis sur la performance des ses offres dont elle dispose pour prendre de meilleures décisions sur le marché en question.
Donc, à partir du moment où l’on s’intéresse au même marché, ou à des segments de marché voisins, cet accès à une base clients a une valeur importante pour une startup.
Il ne peut y avoir que des cas particuliers
Nous ne croyons pas à une formule générique de collaboration réussie entre entreprises et startups. Trop de différences existent et cela peut effrayer les startups : ralentissement, bureaucratisation, phagocytage.
Mais nos expériences (vécues ou observées) nous ont appris que le partenariat peut se révéler très fructueux pour les deux parties, à condition que les intentions de chacun soient claires dès le début. Nous avons observé ceci dans deux cas de figure :
– Quand les bonnes personnes (qui se comprennent) travaillent de concert et de façon sincère au succès mutuel de la collaboration, afin que tout fonctionne sans dénaturer l’une ou l’autre des organisations ;
– Que les bons intermédiaires soient choisis pour la mise en relation (et Agorize est un très bon exemple pour ce qui concerne l’open innovation).
Dans le cas de ma startup, nous préférons obtenir une croissance organique par nous-mêmes, avant de nous tourner, si besoin (et si opportunité) vers une entreprise partenaire. C’est donc davantage une question de timing et de stade de développement pour nous. Nous croyons en ce genre de collaboration, mais pour qu’elles profitent à chacun, il faut que la startup soit suffisamment développée. Les chasseurs peuvent apprendre des éleveurs, et inversement. Mais ce n’est que notre témoignage. Si vous avez une réaction à ce texte, n’hésitez pas !