Les élections présidentielles approchent à grands pas. Si les débats font rage et divisent, un constat met tout le monde d’accord : les citoyens français sont de moins en moins engagés dans la vie politique de l’Hexagone. En témoignent les taux d’abstention record enregistrés ces dernières années aux élections locales et nationales. Sans évoquer le regard désabusé que portent les citoyens sur leur classe politique et la campagne actuelle.
La solution à ce désengagement massif ? Certains pensent que la rédemption viendra de la technologie. C’est ce qu’on appelle la Civic Tech, la technologie au service des citoyens et de la démocratie. Dans les faits, cela se traduit par des plateformes et des actions participatives, ouvertes et transparentes. Voici ce que vous devez savoir de la Civic Tech en 2017.
Qu’est-ce que la Civic Tech ?
Il n’existe pas de définition officielle de la Civic Tech. Ce terme, issu de l’anglais civic technologies (technologies civiques), regroupe divers courants et acteurs dont l’objectif est de remettre le citoyen au cœur de la démocratie. Il s’agit donc d’aider le citoyen à retrouver un rôle actif dans la vie politique en transformant cette dernière grâce à la technologie. Les acteurs de la Civic Tech (associations, startups et mouvements citoyens) œuvrent à rendre la démocratie plus ouverte, transparente et participative.
[clickToTweet tweet= »#CivicTech: les citoyens retrouvent un rôle actif en politique grâce à la #tech et l’#OpenInno via @agorize » quote= »Civic Tech : aider les citoyens à retrouver un rôle actif dans la vie politique grâce à la technologie et l’open innovation »]
Cette transformation de la vie politique et de la démocratie par la technologie s’opère à 3 niveaux :
– Information : fournir aux citoyens des données transparentes et compréhensibles pour les aider dans leurs choix politiques
– Expression : permettre aux citoyens d’exprimer et de défendre leurs opinions
– Représentation / réappropriation du pouvoir : permettre aux citoyens de se réapproprier l’initiative de la loi et d’être vraiment représentés par leurs élus
Information : ouverture et transparence des données publiques
La mission première de la Civic Tech est de faciliter l’accès à l’information. Mais pas n’importe laquelle : une information claire et contextualisée. Ce sont là les conditions d’une démocratie ouverte et transparente.
Des sites web et plateformes en ligne ont ainsi été créés qui permettent de consulter et de comparer les programmes des candidats à l’élection présidentielle. Voxe.org met ainsi un comparateur en ligne à la disposition des internautes. Il suffit de sélectionner plusieurs candidats, une thématique (lutte contre le chômage, relations internationales, etc.) et de comparer ce que propose chaque candidat dans le domaine.
D’autres plateformes proposent de décrypter l’information, de mettre en avant des arguments et des perspectives. C’est le cas de la chaîne de vidéos en ligne Accropolis qui souhaite « apporter des informations complémentaires au public comme autant de clés de compréhension des enjeux, des institutions et des acteurs de la politique ». Des émissions sont ainsi diffusées sur des thèmes en rapport avec des enjeux publics et politiques. Les spectateurs peuvent intervenir et réagir en direct grâce à un module de chat.
Des initiatives publiques de Civic Tech
Il existe également des initiatives publiques visant à faciliter l’accès à des données de toute sorte. C’est ce que fait, par exemple, l’Assemblée nationale. Sur le site Internet de cette dernière, il est possible d’effectuer une recherche pour savoir quel député vous représente. Vous pouvez également consulter toute une série d’informations le concernant et notamment :
– Le parti auquel il est affilié ;
– Ses autres mandats et les commissions auxquelles il siège ;
– Son taux de présence à l’Assemblée ;
– Les lois en faveur desquelles il a voté (ou pour lesquelles il s’est abstenu ou contre lesquelles il a voté) ;
– Les questions qu’il a posées au gouvernement ;
– Les propositions dont il est l’auteur ou le cosignataire ;
– Les rapports qu’il a rédigés.
De quoi se faire une opinion sur la personne qui vous représente et de la réélire (ou pas) en fonction.
Enfin, le gouvernement met en ligne des « données publiques produites ou reçues dans le cadre d’une mission de service public : impôts, budgets, subventions, dépenses, aménagement du territoire, chômage, rénovation de logements, mesures de qualité de l’air, adresses des services publics, délinquance et criminalité, résultats électoraux, dépenses de la Sécurité sociale, effectifs des fonctions publiques, rejets de polluants dans l’air par les installations industrielles », pour ne citer qu’elles.
Expression : débattre, échanger, contribuer
Permettre à chacun d’exprimer une opinion, une revendication, de proposer un projet ou même de dénoncer des abus. C’est la deuxième étape vers une démocratie participative dans laquelle le citoyen est au centre de l’action politique.
La technologie permet de créer un espace où chacun peut contribuer à la vie politique, à travers des débats ouverts et publics. Des plateformes ont été créées pour faciliter ce processus d’échange et de collaboration et répondre aux exigences de transparence.
DemocracyOS, inventée en Argentine en 2012 puis reprise dans le monde entier, propose « d’accompagner des mouvements citoyens, des institutions, des start-ups, des associations et tous types de structure prêts à faire le pari de la démocratie participative en ligne grâce à un outil libre, simple et efficace ». Concrètement, il s’agit d’une plateforme open source sur laquelle chacun peut proposer des sujets de débat, avancer ses arguments et prendre ainsi une décision collégiale réfléchie, transparente et démocratique.
D’autres outils existent comme Nova-Ideo pour « transformer des idées en propositions applicables » grâce à un système de notes et de travail collaboratif.
Enfin, on peut trouver des sites de pétitions en ligne comme Change.org. C’est d’ailleurs une idée en vogue chez les candidats à l’élection présidentielle. La moitié d’entre eux au moins se prononce en faveur de la création de référendums d’initiative populaire. Ceux-ci permettrait aux citoyens de soumettre des propositions de loi, lesquelles seraient ensuite discutées au Parlement si un nombre suffisant de signatures était récolté.
Représentation / réappropriation du pouvoir
C’est le stade ultime de l’open innovation citoyenne. Les personnes qui ne se sentent plus représentées par leurs élus au niveau local ou national reprennent le pouvoir grâce à la technologie.
Imaginons que des plateformes publiques officielles soient ouvertes, similaires à celles évoquées plus haut. Les propositions les plus plébiscitées seraient alors examinées par le Parlement. L’initiative des lois pourrait revenir en partie aux citoyens – et non plus exclusivement aux députés et au gouvernement. Le contrôle exercé par la population serait donc renforcé.
Des citoyens-députés
Certains mouvement vont encore plus loin. Ainsi, #MAVOIX propose de faire élire des députés aux législatives de 2017. Ces députés seraient « des volontaires formés et tirés au sort qui [relaieraient] les décisions de leurs électeurs pendant 5 ans ». L’idée est de lutter contre les promesses non tenues, la pression des lobbys et des partis, le carriérisme et le clientélisme politiques.
Concrètement, à chaque fois qu’un projet ou une proposition de loi serait examiné(e) par le Parlement, une discussion s’ouvrirait sur le forum #MAVOIX, chacun pouvant prêcher pour sa paroisse et avancer ses arguments. À la suite de ce débat, un vote serait organisé et son issue déterminerait si les députés #MAVOIX se prononceraient en faveur ou contre la loi lors du vote à l’Assemblée. L’objectif est donc de décider collectivement ce que votent les députés. C’est le pari de la démocratie, au sens propre du terme en somme.
Commencer petit à petit, d’abord au niveau local
D’autres acteurs de la Civic Tech lancent des initiatives locales à plus petite échelle. Des startups comme Vooter ou Neocity proposent ainsi aux mairies de mettre en place des applications dans leur commune afin de consulter les habitants sur des projets spécifiques.
Vooter permet aux maires de consulter régulièrement leurs administrés selon leur typologie, leur géolocalité et leurs centres d’intérêt. Les données sont ensuite récoltées et analysées. Dès lors, il est facile de savoir si une majorité s’est prononcée pour ou contre une action proposée par la mairie et de remettre le citoyen au cœur de la démocratie. La technologie permet de lancer une consultation directe et de prendre une décision en toute transparence.
La politique dans le sillage de l’entreprise
La Civic Tech s’inscrit dans un mouvement collaboratif qui a commencé au sein de l’entreprise. En effet, depuis quelques années les entreprises commencent à utiliser l’innovation ouverte et participative pour faire émerger talents et innovations. À travers des hackathons et challenges d’open innovation, elles font appel à l’intelligence collective.
Les actions politiques et civiques sont en train d’amorcer ce même virage. Et cela mettra un terme à un paradoxe : le numérique et la transformation digitale sont des enjeux majeurs de l’élection présidentielle et pourtant, s’il est bien un domaine en retard en la matière, c’est la politique et l’action publique